EDITO - 27 OCTOBRE 2025
Zyed Benna et Bouna Traoré, c’était il y a 20 ans.
Le 27 octobre 2005, ces deux adolescents ont perdu la vie dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois.
Pourquoi ? Parce qu’en fuyant la police, ils fuyaient bien plus qu’un simple contrôle : ils fuyaient la peur, les violences, les discriminations. Ils fuyaient un système qui, depuis des décennies, considère une partie de la jeunesse comme une menace.
Vingt ans plus tard, rien n’a changé. Pire, les choses se sont aggravées.
Entre 2005 et 2025, selon une enquête menée par Basta! Média, 562 personnes sont mortes lors d’une intervention des forces de l’ordre.
Ces chiffres n’incluent pas les victimes d’opérations antiterroristes ni celles tuées par des agents en dehors de leur service.
Les années 2022 et 2024 ont connu un pic de décès.
Un mort sur trois avait moins de 26 ans.
Et c’est en région parisienne que les violences policières les plus létales ont été recensées.
Depuis Zyed et Bouna, depuis Lamine Dieng et tant d’autres, 162 personnes sont mortes suite à un simple contrôle de police.
Alors, que dit cela de notre police ?
Que dit cela de notre pays ?
Que dit cela des institutions censées protéger la jeunesse ?
Depuis 2005, aucun véritable changement structurel n’a eu lieu.
La défiance envers la police n’a fait que grandir.
Le 27 juin 2023, Nahel Merzouk, 17 ans, a été tué à bout portant par un policier à Nanterre, après un refus d’obtempérer.
Une vidéo a circulé. Sans elle, le policier aurait-il été mis en examen ? Aurait-il seulement passé une nuit en prison ?
Comme en 2005, la France s’est embrasée.
Comme en 2005, on a parlé d’« émeutes ».
Mais ce que les médias et les responsables politiques refusent encore de nommer, c’est une révolte populaire : celle d’une jeunesse étouffée, incomprise, en colère face à l’impunité judiciaire dont bénéficient les forces de l’ordre.
En vingt ans, qu’a fait l’État ?
Les mêmes visages politiques sont toujours là.
Dominique de Villepin, Premier ministre au moment de la mort de Zyed et Bouna, est aujourd’hui encore cité comme une figure potentielle pour diriger le pays.
Comment un homme qui n’a pas su réagir avec exemplarité en 2005 pourrait-il incarner aujourd’hui un renouveau politique ?
N’oublions pas non plus : en 2005, Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, celui qui traitait les jeunes de « racailles ».
Depuis, la droite et l’extrême droite n’ont cessé d’attiser la division et la haine, rendant tout dialogue serein sur les dérives policières impossible.
Certes, la société a évolué.
Des médias indépendants comme Bondy Blog ou Basta! ont vu le jour pour raconter nos réalités, pour mettre des visages sur les statistiques.
Des collectifs, des familles, des associations continuent de lutter pour la vérité et la justice.
Mais à chaque nouvelle mort, les mêmes mécanismes se répètent :
les familles endeuillées, les manifestations encadrées, les discours politiques creux, et les tentatives de criminaliser les victimes.
Les victimes, oui.
Des jeunes tués par ceux censés les protéger.
Vingt ans après Zyed et Bouna, la France est toujours confrontée à la même question :
combien de morts faudra-t-il encore pour qu’un véritable sursaut politique et moral ait lieu ?
Combien de Zyed, de Bouna, d’Adama, de Nahel, de Lamine faudra-t-il pour que la République regarde enfin sa jeunesse dans les yeux ?
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