Que se passe-t-il à Madagascar ? La Jeunesse se soulève

9/27/2025

Vendredi 26 septembre, Antananarivo, la capitale de Madagascar, s’est réveillée paralysée après une journée de manifestations interdites menées par le collectif « Gen Z Madagascar ». Les jeunes protestaient contre les coupures d’eau et d’électricité constantes, pouvant aller jusqu’à 12 heures de délestage par jour. Alors que le mouvement prend de l’ampleur et une résonance internationale, retour sur un soulèvement de la jeunesse devenu inévitable.

Jeudi 25 septembre, malgré l’interdiction des autorités, des milliers de jeunes Malgaches et de familles ont défilé pacifiquement dans les rues d’Antananarivo. Si la mobilisation visait initialement les délestages, elle s’est vite transformée en contestation plus globale : dénonciation de la corruption, du manque de transparence et rejet d’un pouvoir jugé autoritaire, incarné par le président Andry Rajoelina. Dans les cortèges, on pouvait entendre des slogans tels que « Laissez-nous faire entendre nos droits » ou encore « Nous ne voulons pas de troubles, nous voulons juste nos droits ».

La réponse de l’État a été brutale. Les forces de l’ordre, déployées en masse, ont eu recours aux gaz lacrymogènes et aux balles en caoutchouc pour disperser les rassemblements. Plusieurs témoignages font état de tirs à balles réelles et de gaz lacrymogènes lancés jusque dans des établissements scolaires. Des accusations de manipulation des récits médiatiques émergent, le gouvernement étant soupçonné de vouloir orienter la couverture internationale afin de justifier une répression qualifiée d’inédite. Reporters sans frontières a dénoncé des violences contre des journalistes. Le bilan provisoire de cette journée s’élève à au moins cinq morts, selon une source hospitalière.

La colère a aussi donné lieu à des débordements : pillages de supermarchés, de banques, de magasins d’électroménager et même de la station du téléphérique récemment inaugurée par le gouvernement. Trois domiciles de parlementaires proches du pouvoir ont été incendiés. Le soir venu, un couvre-feu nocturne a été instauré. Le collectif « Gen Z Madagascar », à l’origine du mouvement, a rapidement condamné ces violences.

« On paie nos impôts, on travaille, mais quand on rentre à la maison, il n’y a toujours pas d’électricité »

Ce soulèvement s’inscrit dans un climat politique tendu. Réélu fin 2023 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition et marqué par une abstention massive, le président Andry Rajoelina est accusé d’autoritarisme. Dans un pays où 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’accès aux services de base devient chaque jour plus difficile. « On paie nos impôts, on travaille, mais quand on rentre à la maison, il n’y a toujours pas d’électricité », témoignait une étudiante brandissant une pancarte.

Depuis New York, où il participait à l’Assemblée générale des Nations unies, Andry Rajoelina a condamné « les actes de destruction et la volonté de ravager le pays » dans un communiqué publié sur Facebook. Il a appelé au calme, affirmant que « les conflits mènent à la destruction et ne profitent qu’à ceux qui agissent dans leur propre intérêt ».

Alors que le climat reste extrêmement tendu, une nouvelle manifestation est annoncée ce samedi 27 septembre à Antananarivo. Le collectif « Gen Z Madagascar » appelle à poursuivre la mobilisation, malgré le couvre-feu et la forte présence sécuritaire.

Au-delà des revendications immédiates, ce mouvement se distingue par ses symboles. Le drapeau noir de l’animé japonais One Piece, brandi par de nombreux manifestants, est devenu l’emblème d’une jeunesse malgache en quête de liberté, de justice et de transparence. Déjà adopté lors de mobilisations en Indonésie et au Népal, ce symbole universel de solidarité et de courage incarne l’émergence d’une génération décidée à se faire entendre.