Depuis lundi 28 juillet, l’Angola traverse une nouvelle crise sociale majeure. Partie d’une grève des taxis collectifs, la contestation a rapidement plongé Luanda, la capitale, dans le chaos. Le bilan est lourd : 22 morts, 197 blessés et plus de 1 200 arrestations en deux jours. En toile de fond, un ras-le-bol généralisé face à la pauvreté, à la vie chère et à un gouvernement de plus en plus contesté.

Une grève qui vire à l’émeute
Tout est parti de la décision du gouvernement d’augmenter le prix du carburant de plus de 30 %, faisant passer le litre de diesel de 300 à 400 kwanzas (soit de 0,28 à 0,38 euro). Les candongueiros, ces minibus bleus et blancs qui assurent l’essentiel des transports à Luanda, ont aussitôt lancé une grève.
Face à une offre de transport public quasi inexistante, des milliers d’Angolais se sont retrouvés bloqués, dans un quotidien déjà marqué par l’inflation. Très vite, la colère est montée. Lundi et mardi, les rues de Luanda ont été le théâtre d’affrontements violents avec la police, de pillages de magasins d’alimentation et de scènes de panique.
Les témoignages et les images qui circulent sur les réseaux sont glaçants. Ce ne sont pas les boutiques de luxe qui ont été prises pour cible, mais des supérettes, des marchés, des banques. La population ne vole pas pour s’enrichir. Elle vole pour manger.
« La question du prix du carburant n’est que la goutte d’eau. Les gens ont faim. Les pauvres deviennent misérables », résume Laura Macedo, militante angolaise.
Un malaise bien plus profond
L’Angola est le deuxième producteur de pétrole d’Afrique, mais importe son carburant faute de raffineries locales. Depuis 2023, les subventions sont progressivement supprimées, au nom de l’équilibre budgétaire. Pourtant, aucune mesure sociale sérieuse n’accompagne ces réformes, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 75 dollars.
Le gouvernement du président João Lourenço, reconduit en 2022, tente de minimiser les tensions. Il parle de « sabotage » et accuse les manifestants d’instrumentaliser le prix du carburant pour ternir le 50e anniversaire de l’indépendance.
Mais la réalité est que la colère monte, surtout chez les jeunes. Lors des dernières élections, la province de Luanda a largement voté pour l’opposition (UNITA), signe d’un basculement politique profond.
Silence des médias, fracture politique
Pendant que la capitale brûle, les médias publics angolais ont poursuivi leur programmation comme si de rien n’était, déclenchant une vague d’indignation. Ce silence en dit long sur la peur de laisser la parole à un peuple exaspéré.
Les autorités évoquent des « groupes non identifiés » derrière les violences. Mais sur le terrain, ce sont des citoyens, des travailleuses et travailleurs précaires, des mères, des jeunes sans avenir qui prennent la rue. Pas des agitateurs venus de l’ombre.
Ce qui se passe aujourd’hui en Angola n’est pas un simple épisode de tension sociale. C’est le cri d’un peuple qui n’en peut plus, pris au piège entre un régime vieillissant, une crise économique brutale, et une jeunesse qui rêve de justice sociale et de dignité.
Si les revendications restent étouffées, si la répression devient la seule réponse, l’Angola pourrait bien entrer dans une nouvelle ère de turbulences. L’histoire montre qu’aucun pouvoir n’est éternel quand le peuple a faim.