L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac relance sa trajectoire politique. Avec son nouveau parti, La France humaniste, Dominique de Villepin se positionne pour 2027.Un retour qui intrigue, tant par sa posture singulière que par ses convictions affirmées.
Il surgit là où on ne l’attendait plus. Dominique de Villepin, silhouette d’académicien, verbe ciselé et plume hautement lettrée, revient sur le devant de la scène politique française. En juin, il publie Le pouvoir de dire non, un essai dans lequel il fustige l'alignement systématique de la diplomatie française sur les volontés américaines ou israéliennes et annonce dans la foulée la création de La France humaniste, une formation politique aux contours encore flous mais à l’ambition nationale assumée.
Pourtant, Dominique de Villepin n’a jamais été un homme de rupture ou de fracas partisan.C’est à la droite gaulliste qu’il doit ses premiers faits d’armes, et c’est dans l’ombre deJacques Chirac qu’il a bâti l’essentiel de sa carrière. Énarque, diplomate de formation, ministre des Affaires étrangères lors de l’intervention américaine en Irak, il s’est forgé une stature d’orateur puissant, notamment grâce à son célèbre discours à l’ONU en 2003, dans lequel il osa dire non à Washington. Un geste qui reste, encore aujourd’hui, son emblème.
Une ligne droite... mais singulière
De Villepin n’a jamais revendiqué un ancrage à gauche, et son parcours ne laisse guère de doute : ancien secrétaire général de l’Élysée, puis chef du gouvernement sous Chirac, il reste profondément attaché aux valeurs de la droite républicaine, gaullienne, voire bonapartiste. Pourtant, il cultive un rapport ambivalent à la droite contemporaine, dont il refuse les crispations identitaires et les surenchères sécuritaires. À ceux qui le classent hâtivement parmi les figures de centre gauche à cause de ses prises de position sur laPalestine ou sur la guerre en Ukraine, il oppose une constance : « Je suis un homme de droite, mais de droite humaniste. »
Et c’est bien sur le dossier palestinien que Dominique de Villepin, ces derniers mois, a tranché avec la frilosité ambiante. Il a été l’un des rares anciens dirigeants français à qualifier la situation actuelle dans la bande de Gaza de génocide, dénonçant avec vigueur ce qu’il perçoit comme une complicité occidentale par le silence. Une posture qui lui vaut à la fois des critiques virulentes et des soutiens inattendus.
Mais cette défense de la cause palestinienne n’efface pas ses convictions profondes : son attachement à l’ordre républicain, son rejet viscéral du communautarisme, et sa méfiance envers ce qu’il qualifie de « dérives wokistes ». De Villepin reste fondamentalement un homme d’État, républicain au sens classique du terme, plus proche d’un gaullisme culturel que d’une quelconque sensibilité progressiste.
Une droite classique derrière des accents dissidents
Si certains s’étonnent encore de ses sorties sur la scène internationale, c’est souvent qu’ils oublient son parcours. Dominique de Villepin n’a jamais été un homme de rupture idéologique. Lorsqu’il était à Matignon, entre 2005 et 2007, il a défendu des mesures marquées à droite, comme la création du CPE (Contrat Première Embauche), destiné à flexibiliser le marché du travail des jeunes, ou la réduction du nombre de fonctionnaires. Il a aussi appuyé une politique ferme en matière d’immigration et d’autorité de l’État.
Ses discours actuels, jugés "courageux" ou "hors cadre", déplacent surtout la fenêtre d’Overton, ce concept qui désigne l’ensemble des idées jugées acceptables dans le débat public. En qualifiant la situation à Gaza de génocide, ou en critiquant l’alignement de laFrance sur les États-Unis, Villepin ne rompt pas avec la droite. Il déplace les lignes de l’intérieur, en revenant à une tradition gaullienne de souveraineté nationale et de refus des influences étrangères.
Ce n’est pas un changement de camp, mais un rappel d’héritage. À rebours des droites conservatrices obsédées par les questions identitaires, Villepin continue de défendre une droite d’État, élitiste, verticale, parfois solitaire. Une droite où la posture compte autant que les idées, mais où les idées restent, malgré tout, fidèles à leur origine.