Deux semaines après la commémoration de la mort de Nahel, le lundi 14 juillet 2025, Aly, un adolescent de 17 ans, a été violemment agressé par quatre membres des forces de l’ordre à Garges-lès-Gonesse.
Selon les informations transmises par ses proches à la militante Assa Traoré, Aly était simplement sorti faire une course lorsqu’il a croisé une voiture de police. À l’intérieur, l’un des agents aurait déclaré : « Lui, on va le niquer. » Commence alors, selon les mots d’Aly, « un cauchemar ».
Le parquet de Pontoise s’est saisi de l’affaire le 18 juillet. Les quatre policiers ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer et d’entrer en contact les uns avec les autres.
Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur a réagi sur le réseau X (anciennement Twitter), qualifiant les accusations de « graves », et ajoutant : « La justice devra faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. L’exemplarité des forces de l’ordre n’est pas négociable. »
Mais malgré cette communication officielle, une question revient avec insistance : celle de l’impunité policière.
Une impunité systémique ?
Depuis 2018, le site indépendant violencespolicieres.fr recense près de 7 794 victimes de violences policières en France.
L’impunité se définit par la possibilité d’agir sans être sanctionné. Dans le cadre des violences policières, elle désigne des actes commis hors du cadre légal par des agents en uniforme, sans qu’ils en subissent systématiquement les conséquences judiciaires ou disciplinaires.
L’avocat parisien Vincent Brengarth souligne : « Ils se sentent investis d’une mission permanente, une sorte de rôle de justicier, pour lequel ils n’auraient pas de comptes à rendre à la justice. »
Du dépôt de plainte aux décisions de justice, les obstacles sont nombreux : difficultés d’ouverture d’enquête, lenteurs procédurales, classements sans suite, faible taux de condamnation. Ce traitement différencié alimente l’idée d’un système protecteur pour les forces de l’ordre.
L’affaire Nahel : un précédent révélateur
Le 27 juin 2023, Nahel Merzouk, également âgé de 17 ans, était tué à bout portant par un tir de policier à Nanterre. D’après Libération, l’agent a continué à percevoir son salaire durant sa détention provisoire (juin à novembre 2023). Il est aujourd’hui libre et aurait même repris ses fonctions au Pays basque.
Toujours selon Libération, son procès devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine est prévu au second ou troisième trimestre 2026. L’échéance lointaine et le maintien en poste du policier renforcent un sentiment d'injustice pour de nombreuses familles de victimes.
Un système de soutien implicite ?
Le manque de reconnaissance publique pour les victimes et les délais judiciaires nourrissent l’idée d’un pacte tacite entre l’État et sa police. Certains dénoncent une « promesse de protection mutuelle » : l’État soutient ses forces, tandis qu’elles garantissent le maintien de l’ordre, même par la violence.
Ces violences sont souvent concentrées dans les quartiers populaires, visant majoritairement des jeunes hommes racisés.
D’après les Défenseurs des droits, 80 % des jeunes Noirs ou Arabes ont été contrôlés par la police entre 2012 et 2017, contre 16 % pour le reste de la population. Entre 2002 et 2017, 17 personnes ont été tuées par la police lors de contrôles routiers selon le site Basta!.
Entre ségrégation et droitisation
Le meurtre de Nahel s’inscrit dans un contexte de pratiques discriminatoires, comme en témoignent les propos du syndicat Alliance Police qui, au lendemain des émeutes, qualifiait les jeunes de banlieue de « nuisibles ».
Une cagnotte de 1,6 million d’euros, lancée par des proches de l’extrême droite, a été récoltée en soutien au policier, un geste symbolique fort qui témoigne d’une droitisation de la société et d’un climat de polarisation extrême.
Une jeunesse en rupture avec l'État
Le sociologue Fabien Truong explique que les émeutes de 2023 sont aussi une réaction intime : « Ce sont des garçons du même âge que Nahel qui réagissent violemment, car cette mort aurait pu être la leur. [...] La promesse républicaine n’a pas été tenue. »
Le collectif Révolution Permanente ajoute : « Ce meurtre a une nouvelle fois montré de façon dramatique les conditions de ségrégation et de relégation dans lesquelles vivent les couches sociales racisées, particulièrement les plus précaires. »
Des prénoms qui résonnent encore
Le cas d’Aly, aujourd’hui, fait tristement écho à ceux de Nahel, Théo, Adama, Zyed et Bouna. Autant de prénoms devenus symboles des violences policières en France. Des histoires qui se répètent, sans que la justice ni l'État n’apportent de réponses à la hauteur de leur gravité.